PlayGround au Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux, une exposition sur ‘Le design des sneakers’

PlayGround au Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux

Une exposition sur ‘Le design des sneakers’

Baskets, tennis, trainers ou sneakers, peu importent leurs noms, elles marquent notre façon de vivre et de nous habiller depuis le début du XXème siècle. Portées par des millions de personnes à travers le monde, les sneakers sont devenues, en quelques décennies, un objet de consommation de masse qui transcende le genre, l’âge et les milieux socio-culturels.

Comment une simple chaussure de sport s’est-elle imposée comme un véritable accessoire de mode, voire une œuvre d’art ?
Avec la participation des archives des grandes marques et d’institutions de référence dans le domaine, plus de 60 prêteurs et plus de 600 paires et documents présentés, Playground est la première exposition de cette envergure en Europe à présenter toutes les facettes de cet objet iconique, de son succès auprès des breakdancers new-yorkais aux recherches technologiques de pointe qu’il suscite.

Si les sneakers font aujourd’hui l’objet d’une exposition entière, c’est parce que leur origine et leur diffusion témoignent d’une histoire riche et complexe qui mêle un grand nombre d’acteurs, des marques aux consommateurs, mais aussi des designers, ingénieurs, sportifs et artistes. De la Converse All Star créée en 1917, portée par Mick Jagger le jour de son mariage en 1971, à la Stan Smith devenue rapidement la petite robe noire des sneakers, comment ces chaussures de sport sont-elles devenues des accessoires indispensables ?

De Jesse Owens à Eliud Kipchoge, d’Emil Zapotek à Tony Parker, les grands athlètes ont tous, depuis le début du XXe siècle, considéré l’importance de la chaussure dans leur discipline respective, en dialogue constant avec les départements de recherche des grandes marques. Vainqueurs des Jeux Olympiques et des plus importantes compétitions internationales, leurs chaussures témoignent par leurs formes, leurs matériaux et leurs assemblages du lien étroit entre design et performance sportive. Les visiteurs peuvent admirer les paires portées et signées par les plus grands sportifs de notre histoire, provenant des collections du Musée Olympique de Lausanne, du Musée national du Sport de Nice et du Musée de Roland Garros.
À travers ces modèles, c’est aussi le rôle des designers qui sera mis en avant, en particulier celui de Tinker Hatfield à qui l’on doit de nombreux modèles devenus iconiques. Ce Californien, architecte de formation, recruté par l’équipementier à la virgule au début des années 1980 pour dessiner des bureaux, est devenu une légende de la culture sneakers. Designer visionnaire, il a l’idée de rendre visible la technologie Air, ce système d’amorti constitué de bulles d’air mis au point quelques années auparavant : c’est la naissance de la Air Max (1987). Au même moment, il imagine une paire de chaussures auto-laçantes afin de monter sur un skateboard volant pour le second volet du film Retour vers le futur. Trente ans plus tard, il concrétise ce rêve de science-fiction en créant le système de laçage automatique E.A.R.L. (Electro Adaptable Reaction Lacing).

Après l’impopularité de la Air Jordan II en 1986, il convainc la star du basket Michael Jordan de poursuivre la série avec Nike : la Air Jordan III arborant le logo Jumpman et le célèbre imprimé éléphant est un immense succès. Tinker Hatfield sera ensuite l’auteur de tous les modèles Air Jordan jusqu’au modèle XV.

D’un podium à l’autre, les grands noms de la mode s’emparent de ces baskets qui connaissent un succès croissant avec la médiatisation des sportifs à partir des années 1970. Des recherches auprès des archives des maisons Chanel, Mugler, ou encore Chloé (alors sous la direction artistique de Karl Lagerfeld) ont permis de mettre en lumière l’intuition de certains couturiers pour cette chaussure de sport en passe de devenir un accessoire incontournable. Avec ces grandes maisons de luxe, les sneakers s’éloignent progressivement de la chaussure de sport, se parent de matériaux nobles et deviennent les nouveaux étendards du luxe. De l’étudiant aux grands patrons de la Silicon Valley, avec un jogging, un jean usé, ou un costume sur mesure, tout le monde se les approprie. Qu’elles soient symbole de réussite sociale au même titre qu’une montre, synonyme d’un life style urbain et décontracté, ou accessoire totémique d’une jeunesse en quête d’identité, les sneakers sont malléables, elles se plient à tous les scénarios.

Sneakers et contre-cultures
Les multiples danses qui émergent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale intègrent la basket souple et confortable et en font un symbole de la modernité et de l’anticonformisme. Du bebop dansé dans les caves de Saint-Germain-des-Près aux B-Boys new-yorkais, en passant par la danse postmoderne incarnée par Yvonne Rainer ou Anna Halprin, l’exposition donne à voir un grand nombre de documents vidéos surprenants, montrant comment l’ascension de cette typologie de chaussures est intimement liée aux cultures underground.
Dès les années 1970, les sneakers deviennent un objet de fascination pour des millions de jeunes qui, en les portant, s’identifient autant aux groupes de rock comme les Sex Pistols ou les Ramones, qu’aux sportifs, comme le boxeur Muhammad Ali ou le basketteur Walt « Clyde » Frazier, qui bénéficient d’une aura grandissante. Dans le Bronx à New-York, comme dans la majorité des grandes métropoles américaines, les sneakers deviennent un outil d’expression personnelle, en particulier pour les jeunes afro-américains qui subissent alors de plein fouet la récession économique. Elles soulignent l’appartenance à un groupe, une communauté, et constituent même un marqueur de pouvoir, détenu désormais par celui (rarement celle) qui aura obtenu le dernier modèle sorti.
Rap, Hip-Hop et sneakers contribuent à cette culture parallèle, à laquelle ces jeunes s’identifient. Les marques qui en ont fait leur cible privilégiée l’ont bien compris. Lancée en 1969, l’Adidas Superstar est adoptée par le groupe Run-DMC, qui en fait le sujet d’un de ses tubes en 1986. Le succès est immense, la chaussure de sport, acquise par les fans, est brandie par 22 000 jeunes lors d’un concert au Madison Square Garden la même année. Les Run-DMC deviennent les premiers non-sportifs à conclure un contrat avec la célèbre firme sportive.

Quand les sneakers entrent en bourse
Dès la fin des années 1980, les baskets font l’objet d’un marché considérable qu’entretiennent les sneakerheads, ces collectionneurs qui amassent plusieurs centaines, voire milliers de paires, et guettent les éditions les plus recherchées. La folie des sneakers gagne du terrain. Le succès est tel qu’en 1990 le magazine Sports Illustrated titre « Your sneakers or your life » [Tes sneakers ou ta vie], en référence à plusieurs affaires de vol de sneakers qui ont donné lieu à des agressions mortelles.

Avec la multiplication des éditions limitées et des collaborations uniques avec des artistes, rappeurs ou graffeurs, la fièvre des sneakers ne cesse de croître. La Air Force One, modèle emblématique de Nike, a connu ainsi plus de 800 éditions limitées et collaborations différentes depuis le début des années 2000. En 2005, lors de la sortie de la Nike Dunk NYC Pigeon, ce sont des centaines de fans qui patientent devant le magasin du designer Jeff Staple ‘Reed Space’ à New-York, pour certains depuis quatre jours : ce lancement crée une véritable émeute qui fait la une des journaux. Vendue alors pour 200 dollars, sa cote est annoncée à 15 000 euros environ sur StockX, la principale plateforme en ligne dédiée à la revente des sneakers. Fondée en 2016, l’entreprise américaine basée à Detroit est aujourd’hui estimée à un milliard de dollars.

Playground – Le design des sneakers
au musée des Arts décoratifs et du Design
(madd-bordeaux.fr)
20 juin 2020 – 10 janvier 2021
Inauguration online le vendredi 19 juin
(sur Instagram / relayée sur Facebook)
Scénographiée par le designer Mathieu Lehanneur, l’exposition prend place dans l’ancienne prison.
Programme détaillé sur www.madd-bordeaux.fr


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